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Il en va de la liberté d’expression comme des jeans Levi’s : tiraillée, écartelée, elle n’a toujours pas cédée.

Mise en cause récemment dans l’affaire des caricatures de Mahomet, évoquée de manière pour le moins équivoque par le secrétaire général de l’ONU à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, elle continue de déranger, de dénoncer, de se railler…

 

C’est ainsi que, dans une affaire ESSO c/ GREENPEACE FRANCE, la Cour d’Appel de Paris a, le 16 novembre 2005, confirmé le jugement de première instance qui avait débouté la société ESSO de l’ensemble de ses demandes. Celles-ci tendaient à faire condamner l’association GREENPEACE à payer la somme de 80.000 Euros de dommages – intérêts pour actes de contrefaçon, imitation illicite, agissements parasitaires et dénigrement de la marque ESSO, dite ‘notoire’ telle que représentée en rouge, sur fond blanc et entourée d’un ovale bleu.

Un changement inattendu de logo pour l’association bien connue ? Pas du tout ; il s’agissait d’une campagne de sensibilisation aux agissements de la société EXXON MOBIL, société mère de la société ESSO, pour faire échec à la mise en œuvre du protocole de Kyoto. Pour illustrer cette campagne, GREENPEACE avait fait une imitation « parodique et polémique », selon la Cour, des marques ESSO.

La parodie n’étant pas très en vogue ces temps-ci dans certains courants de l’opinion publique, ça sentait le roussi…

La plaisanterie consistant en fait à remplacer les S par des dollars, les marques ESSO étaient devenues, sur le site Internet de l’association, de très évocateurs signes « E$$O » et « STOPE$$O » ; amalgame infamant dont s’était beaucoup offusquée la société ESSO.

Insensible à l’argumentaire lénifiant développé par cette dernière sur le terrain du droit des marques, la Cour a préféré donner raison au militantisme écologique sur le terrain des libertés fondamentales en considérant que « le principe à valeur constitutionnelle de la liberté d’expression, implique que, conformément à son objet statutaire, l’association GREENPEACE France puisse, dans ses écrits ou sur son site, dénoncer sous la forme qu’elle estime appropriée au but poursuivi les atteintes à l’environnement et les risques causés à la santé humaine par certains activités industrielles ».

 

Que faut-il retenir de cela ? La liberté d’expression ne se met au service que de ceux qui entendent expressément l’exercer, et, dans cette espèce, un autre que GREENPEACE eut échoué à convaincre le juge de la légitimité de sa très croquignole contrefaçon… La société ESSO, quant à elle, avait monté, par son argumentation en droit des marques, une véritable usine à gaz… à effet de serre !