Covid-19: L'hydroxychloroquine peut à nouveau être prescrite

Résumé :

 

Depuis le début de l’année 2020, la vente en France d’hydroxychloroquine (PLAQUENIL, sous son nom commercial) a fait l’objet de restrictions successivesLe 13 janvier 2020, un arrêté de la ministre de la santé a d’abord interdit sa vente libre en pharmacie, le médicament ne pouvant alors plus être dispensé que sur ordonnance médicale. Puis, c’est le décret du 25 mars 2020 qui a interdit sa distribution sur prescriptions de médecins de ville, le médicament ne pouvant alors plus être administré, pour le traitement du Covid 19, que par les établissements de santé, après décision collégiale et dans le respect des recommandations du Haut conseil de la santé publique, et en particulier pour les patients déjà atteints de pneumonie oxygéno-requérante ou d'une défaillance d'organe, soit déjà très tard dans l’évolution de la maladie. Enfin, par un arrêté du 26 mai 2020, le ministre de la santé a encore réitéré ces restrictions pour les médecins de ville, mais a levé celles applicables en milieu hospitalier. Ce n’est que le 10 juillet 2020, suite au vote de la loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, que le ministre de la santé, par un arrêté resté très peu médiatisé, a finalement abrogé les dispositions restreignant la dispensation de l’hydroxychloroquine par les pharmacies. 

A ce jour, il est donc possible pour tous médecins de prescrire de l’hydroxychloroquine à ses patients pour le traitement du Covid 19, et ce le plus rapidement possible, c’est-à-dire même si ses symptômes sont légers. 



I.
          Le cadre juridique de droit commun

 

L’article L. 5121-8 du Code de la santé publique empêche la mise sur le marché ou la distribution à titre gratuit de spécialités pharmaceutiques, médicaments industriels, générateur, trousse ou précurseur sans autorisation de mise sur le marché:

 

« Toute spécialité pharmaceutique ou tout autre médicament fabriqué industriellement ou selon une méthode dans laquelle intervient un processus industriel ainsi que tout générateur, trousse ou précurseur qui ne fait pas l'objet d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Union européenne en application du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments doit faire l'objet, avant sa mise sur le marché ou sa distribution à titre gratuit, d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. »

 

Cependant, l’article L. 5121-12-1 du Code de la santé publique permet aux médecins de faire des prescriptions non conformes aux AMM (c’est-à-dire pour un usage autre que les indications thérapeutiques de la spécialité), sous réserve du respect de certaines conditions:

 

«  I.-Une spécialité pharmaceutique peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l'absence de spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées, sous réserve qu'une recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sécurise l'utilisation de cette spécialité dans cette indication ou ces conditions d'utilisation. Lorsqu'une telle recommandation temporaire d'utilisation a été établie, la spécialité peut faire l'objet d'une prescription dans l'indication ou les conditions d'utilisations correspondantes dès lors que le prescripteur juge qu'elle répond aux besoins du patient. La circonstance qu'il existe par ailleurs une spécialité ayant fait l'objet, dans cette même indication, d'une autorisation de mise sur le marché, dès lors qu'elle ne répondrait pas moins aux besoins du patient, ne fait pas obstacle à une telle prescription.

En l'absence de recommandation temporaire d'utilisation dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées, une spécialité pharmaceutique ne peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché qu'en l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation et sous réserve que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient. »

 

Il y a donc deux situations dans lesquelles un médecin peut prescrire un médicament hors AMM:

 

-  soit il existe une recommandation temporaire d’utilisation établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé: le médecin peut alors prescrire la spécialité conformément à l’indication ou aux conditions d’utilisation indiquées dans la recommandation;

 

-  soit il n’existe pas de recommandation: le médecin ne peut alors prescrire la spécialité que s’il juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient.

 

Dans le cas de l’usage d'hydroxychloroquine pour le traitement du Covid 19, il n’existe pas de recommandation temporaire d’utilisation établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.



II.          Les décisions successives prises par les pouvoirs publics

 

 

1.   L’arrêté du 13 janvier 2020

Le 13 janvier 2020, un arrêté de la ministre de la santé classe l’hydroxychloroquine sous toutes ses formes sur la liste II des substances vénéneuses.

Or, les listes I et II des substances vénéneuses comprennent, selon l’article L. 5132-6 du Code de la santé publique :

« 1° Certaines substances classées dangereuses pour la santé conformément à l'article L. 1342-2 ; 

2° Les médicaments susceptibles de présenter directement ou indirectement un danger pour la santé ; 

3° Les médicaments à usage humain contenant des substances dont l'activité ou les effets indésirables nécessitent une surveillance médicale ; 

La liste I comprend les substances ou préparations, et les médicaments et produits présentant les risques les plus élevés pour la santé. »

La procédure de classement au sein des listes I et II est précisée à l’article R. 4132-1 du Code de la santé publique :

« Les dispositions de la présente section s'appliquent aux médicaments mentionnés à l'article L. 5111-1, lorsque ces médicaments :

1° Sont classés, sur proposition du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, par arrêté du ministre chargé de la santé, sur les listes I ou II définies à l'article L. 5132-6, ou comme stupéfiants ;

2° Ou renferment une ou plusieurs substances ou préparations classées, sur proposition du directeur général de l'agence par arrêté du ministre chargé de la santé, sur les listes I ou II ou comme stupéfiants. »

Au cas présent, le 8 octobre 2019, l’ANSM a fait une proposition d’arrêté portant inscription de l’hydroxychloroquine sur les listes des substances vénéneuses. La proposition d’arrêté s’appuie sur le fait que la chloroquine est inscrite sur la liste II depuis 1999 et sur le fait que les deux molécules (chloroquine et hydroxychloroquine) présentent des similitudes de structure et de propriétés pharmacologiques. Par conséquent, selon l’ANSM, le risque génotoxique de l’hydroxychloroquine ne saurait être exclu. L’ANSES a ensuite émis un avis favorable à cette proposition d’inscription le 12 novembre 2019.

 

Le classement induit les conséquences suivantes, conformément à l’article R. 5132-6 du Code de la santé publique :

 

« Les pharmaciens délivrent les médicaments relevant des listes I et II et les médicaments classés comme stupéfiants sur prescription ou sur commande à usage professionnel :

1° D'un médecin ;

2° D'un chirurgien-dentiste, pour l'usage de l'art dentaire ;

3° D'une sage-femme, dans les limites de la liste mentionnée à l'article L. 4151-4 ;

4° D'un directeur de laboratoire d'analyse de biologie médicale, dans les limites prévues à l'article L. 6221-9 ;

5° D'un vétérinaire pour la médecine vétérinaire ;

6° D'un professionnel de santé légalement autorisé ou habilité à prescrire des médicaments dans l'Etat membre de l'Union européenne dans lequel la prescription a été établie ;

7° D'un infirmier exerçant en pratique avancée dans les conditions prévues à l'article R. 4301-3. »

 

Ainsi, depuis le 15 janvier 2020, l’hydroxychloroquine n’est plus disponible en vente libre en pharmacie et ne peut être dispensée que sur ordonnance. Cette décision repose cependant sur des études menées avant l’apparition du nouveau coronavirus en Chine. 

 

2.   Le décret du 25 mars 2020

Le décret du 25 mars 2020, pris sur le fondement du 9° de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique créé par la loi sur l’état d’urgence sanitaire, modifié par un décret du lendemain 26 mars, a complété d'un article 12-2 le décret du 23 mars 2020.

 

Cet article 12-2 est rédigé comme suit :

 

« Par dérogation à l'article L. 5121-8 du code de la santé publique, l'hydroxychloroquine et l'association lopinavir/ ritonavir peuvent être prescrits, dispensés et administrés sous la responsabilité d'un médecin aux patients atteints par le covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile. Ces prescriptions interviennent, après décision collégiale, dans le respect des recommandations du Haut conseil de la santé publique et, en particulier, de l'indication pour les patients atteints de pneumonie oxygéno-requérante ou d'une défaillance d'organe. 

[…]

La spécialité pharmaceutique PLAQUENIL ©, dans le respect des indications de son autorisation de mise sur le marché, et les préparations à base d'hydroxychloroquine ne peuvent être dispensées par les pharmacies d'officine que dans le cadre d'une prescription initiale émanant exclusivement de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie ou dans le cadre d'un renouvellement de prescription émanant de tout médecin. »

 

Il comporte deux éléments clefs:

 

-  Il permet aux médecins de prescrire de l’hydroxychloroquine aux patients atteints du Covid 19 même en l’absence de recommandation temporaire d’utilisation et même si cela n’est pas indispensable. Cela n’est cependant possible que dans les établissements de santé, puis, pour la poursuite du traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile. Ces prescriptions interviennent après décision collégiale et dans le respect des recommandations du Haut conseil de la santé publique. De plus, le traitement ne peut être administré que pour les patients déjà atteints de pneumonie oxygéno-requérante ou d'une défaillance d'organe, soit déjà très tard dans l’évolution de la maladie.

 

- Il encadre les conditions dans lesquelles les pharmacies d’officine peuvent dispenser de l’hydroxychloroquine. Elles ne peuvent en dispenser que sur prescriptions d’un certain nombre de spécialistes limitativement énumérés, et non sur prescriptions de médecins de ville. Cela revient donc à interdire l’application du 2e alinéa de l’article L. 5121-12-1 du Code de la santé publique : les médecins, s’ils jugent indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à l’hydroxychloroquine pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de leur patient, ne peuvent la prescrire puisque les pharmaciens ne pourront la dispenser.

 

Suite à la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire, un nouveau décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 a été pris : il abroge l’article 12-2 du décret du 23 mars 2020 mais son article 19 reproduit au mot près les dispositions de l’article 12-2 du précédent décret. Le cadre juridique de prescription de l’hydroxychloroquine n’a donc pas évolué à cette date.

 

3.   Le décret et l’arrêté du 26 mai 2020

 

Par décret n° 2020-630 du 26 mai 2020, l'article 19 du décret du 11 mai 2020 relatif à la prescription de l’hydroxychloroquine a été abrogé.

 

Cependant, le même jour, le ministre de la santé prend un arrêté sur le fondement de l’article L. 3131-16 du code de la santé publique (créé par la loi sur l’état d’urgence sanitaire). Il complète un arrêté pris le 23 mars 2020 par certaines dispositions, et en particulier un article 6-2 :

 

« La spécialité pharmaceutique PLAQUENIL ©, dans le respect des indications de son autorisation de mise sur le marché, et les préparations à base d'hydroxychloroquine ne peuvent être dispensées par les pharmacies d'officine que dans le cadre d'une prescription initiale émanant exclusivement de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie ou dans le cadre d'un renouvellement de prescription émanant de tout médecin ». 

 

Ainsi, à compter du 27 mai 2020, les restrictions à la dispensation d’hydroxychloroquine par les pharmacies sont maintenues, mais pas les mesures mises en place pour la prescription d’hydroxychloroquine en milieu hospitalier.

 

A cette date, les médecins de ville ne peuvent prescrire de l’hydroxychloroquine pour le traitement du Covid 19. En effet, les pharmaciens ne peuvent la dispenser. De plus, seuls quelques spécialistes peuvent encore prescrire ce médicament, mais uniquement pour les indications thérapeutiques figurant dans son autorisation de mise sur le marché.

 

4.   Le 10 juillet 2020, l’abrogation de l’arrêté du 23 mars 2020

 

Suite à la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire, le Ministre de la santé prend un nouvel arrêté le 10 juillet 2020.

 

Son article 36 abroge l’arrêté du 23 mars 2020. Par conséquent, les restrictions à la dispensation d’hydroxychloroquine par les pharmacies d’officine est supprimée.

 

Depuis le 11 juillet, seul le droit commun s’applique à ce sujet.

 

Ainsi, en l’absence de recommandation temporaire d’utilisation de l’ANSM, les conditions dans lesquelles un médecin de ville peut prescrire de l’hydroxychloroquine sont celles inscrites à l’article L. 5121-12-1 du Code de la santé publique :  la prescription n’est possible que « sous réserve que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient ».

 

A ceci, le Conseil d’Etat a ajouté que « lorsque cette indication est retenue, le traitement doit être initié le plus rapidement possible, dans le but d'éviter le passage à une forme grave nécessitant un transfert en réanimation » (CE, 22 avril 2020, n°439951). 

 

A ce jour, il est donc possible pour tous médecins de prescrire de l’hydroxychloroquine à ses patients pour le traitement du Covid 19, et ce le plus rapidement possible, c’est-à-dire même si ses symptômes sont légers.