COVID-19 ET TESTS PCR :

QUELLE FIABILITE DANS LE CONTEXTE LEGAL ET RÉGLEMENTAIRE APPLICABLE ?

Dans le cadre de la crise sanitaire, des stratégies de dépistage massif au niveau national et européen ont été déployées, reposant presque exclusivement sur la technique RT-PCR sur prélèvement naso-pharyngé pour détecter la présence d’un fragment d’ARN du SARS-CoV-2, agent responsable de la Covid 19. 

 

En France, les mesures de gestion de la crise sanitaire, telles que le port du masque obligatoire, le couvre-feu, le confinement, la fermeture des lieux de sociabilité, etc., s’appuient principalement sur le nombre de « cas positifs » détectés par test PCR. Or, ces tests manquent de fiabilité pour des raisons qui sont exposées, plus loin, dans cet article.

 

Il est proposé ici une analyse de l’environnement légal et réglementaire de l’utilisation des tests PCR, ainsi qu’un aperçu technique sur le fonctionnement de ces tests et sur leur fiabilité.

 

A. Une pertinence clinique et sanitaire des résultats des tests PCR à tempérer

 

Les tests PCR sont particulièrement sensibles et permettent de détecter un fragment d’ARN du SARS-CoV-2 alors même qu’il serait présent en très faible quantité dans le prélèvement analysé. A ce sujet, le Professeur SALOMON, Directeur général de la santé, a indiqué que : « La sensibilité élevée de la RT-PCR, technique de référence, permet d’atteindre un seuil analytique de détection du SARS-CoV-2 très faible, sans savoir si le virus est viable et/ou présente un risque de contagiosité. En d’autres termes, il existe une distinction entre un résultat positif par RT-PCR et la pertinence clinique et sanitaire de ce résultat » [1]. 

 

Selon un avis de l’Organisation mondiale de la Santé (l'OMS) du 13 janvier 2021, le résultat d’un test RT-PCR doit ainsi être utilisé comme une aide au diagnostic et non comme un diagnostic en tant que tel. A ce titre, l’OMS rappelle que la probabilité qu’une personne ayant obtenu un résultat positif (SARS-CoV-2 détecté) soit réellement infectée par le SARS-CoV-2 diminue à mesure que la prévalence diminue, quelle que soit la spécificité déclarée du test. 

 

La Cour d’appel de Lisbonne et le Tribunal administratif de Vienne ont rejoint l’avis de l’OMS, en annulant des mesures restrictives de libertés au motif que les tests PCR ne sont pas appropriés pour déterminer si une personne est malade ou infectée.

 

En effet, la détection d’ARN viral par RT-PCR ne signifie pas nécessairement qu’il existe des particules virales infectieuses dans les échantillons biologiques analysés et elle ne signifie pas non plus la présence d’un éventuel risque de contagiosité. 

 

Par conséquent, le résultat d’un test exprimé sous la forme d’une détection positive ou négative de l’ARN du SARS-CoV-2 dans l’échantillon testé ne répond pas aux problématiques majeures de santé publique auxquelles nous faisons face actuellement, à savoir de pouvoir déterminer si l’échantillon testé est infectieux ou non et de statuer sur le niveau de contagiosité de la personne présentant un résultat positif à un test RT-PCR. 

 

B.   Une délicate détection et interprétation d’un génome viral en constante évolution

 

De nombreuses techniques de RT-PCR pour la détection du génome viral du SARS-CoV-2 sont actuellement disponibles sur le marché international. Elles peuvent détecter 1, 2, 3 voire 6 gènes viraux.  

 

En France, le collège de la Haute Autorité de Santé (HAS) a recommandé d’utiliser des tests PCR ciblant au moins 2 gènes viraux. Le remboursement des tests PCR par la sécurité sociale est d’ailleurs soumis à cette même condition. 

 

Toutefois, le site du ministère de la santé recense tous les tests par RT-PCR disponibles sur le marché, et il en existe qui ne ciblent qu’un seul gène viral, ce qui impacte nécessairement la fiabilité du test. 

 

En outre, depuis le début de la crise sanitaire, le génome viral du SARS-CoV-2 a évolué et a donné naissance à de nouveaux variants. Or, tous les tests par RT-PCR ne détectent pas tous les variants. 

 

Face à cette évolution rapide du virus, il est difficile d’adapter le test par RT-PCR à toutes les mutations possibles du génome viral et cela peut provoquer des erreurs de diagnostic. C’est pourquoi le test RT-PCR de type multiplex est favorisé. Cependant, les résultats de ce type de tests sont très complexes à interpréter. 

 

Les tests multiplex permettent de rechercher plusieurs agents pathogènes en même temps (virus, bactéries, champignons) avec un seul prélèvement et en une seule réaction d’amplification. 

 

Ainsi, ils peuvent détecter à la fois la grippe (génome des virus influenza A et B) et la COVID-19 (génome du virus SARS-CoV-2). Particulièrement sensibles et complexes à interpréter, ces tests peuvent conduire à une mauvaise lisibilité des résultats des tests RT-PCR. 

 

A ce manque de lisibilité des tests, s’ajoute un processus dérogatoire d’examen des tests RT-PCR qui est propice à provoquer des erreurs de détection du génome du SARS-CoV-2. En effet, les exigences relatives aux compétences des personnes procédant aux analyses ont été diminuées, alors que les notices d’utilisation et d’interprétation des tests sont de plus en plus complexes à déchiffrer et varient considérablement de l’une à l’autre. De plus, des erreurs d’interprétation des résultats des tests PCR pourront aussi découler du fait que, désormais, la personne qui analyse n’est plus la personne qui interprète les résultats.

 

C. Une prise en considération du « cycle seuil » inappropriée dans la détection positive du virus Sars-CoV-2

 

i. Une détection positive du virus Sars-CoV-2 altérée par un nombre de cycles d’amplification trop élevé

 

Le « Cycle Threshold » (Ct), aussi appelé « cycle seuil », correspond au nombre de cycles d’amplification nécessaire pour d’atteindre une valeur seuil de fluorescence, qui permet de déclarer que l’échantillon est positif au Sars-CoV-2. Autrement dit, les séquences génétiques virales contenues dans un échantillon prélevé chez un patient vont être dupliquées, au cours de cycles d’amplification successifs, jusqu’à pouvoir être détectées grâce à des marqueurs fluorescents.

 

Ainsi, s’il y a beaucoup de génome viral dans l’échantillon d’origine, il suffira d’un petit nombre de cycles pour atteindre le seuil de fluorescence : le Ct sera faible.

 

La valeur Ct joue un rôle essentiel dans l’interprétation du résultat d’un test RT-PCR. A ce sujet, le document d’orientation de l’OMS sur les tests diagnostiques pour le dépistage du SARS-CoV-2 relève que la sensibilité élevée des tests RT-PCR implique que les résultats faiblement positifs doivent être interprétés avec prudence. En effet, les tests RT-PCR produisent de faux signaux à des valeurs de Ct élevées.

 

Dans son avis concernant l’interprétation de la valeur de Ct obtenue en cas de RT-PCR SARS-CoV-2 positif, la Société Française de Microbiologie (SFM), souligne qu’une excrétion virale est très faible lorsque la valeur de Ct est supérieure à 33.

 

Par ailleurs, certaines études scientifiques constatent que lorsque le Ct dépasse 34, il n’est quasiment plus possible de cultiver le virus in vitro, ce qui est pourtant une condition nécessaire pour que l’échantillon soit considéré comme infectieux.

 

Or, tels que pratiqués aujourd’hui, les tests RT-PCR considèrent comme positif tout échantillon ayant un Ct allant jusqu’au maximum prévu par le fournisseur de la machine et du kit de réactifs, soit souvent plus de 40. Ces valeurs élevées de Ct dépassent largement les recommandations de la SFM, du HCSP, du CNR et de l’OMS.

 

ii. Un manque de transparence sur le nombre de cycles d’amplification utilisé par les laboratoires dans le compte rendu de résultat du test PCR 

 

Actuellement, la Nomenclature des Actes de Biologie Médicale (NABM) n’impose pas de faire figurer la valeur de Ct sur le compte-rendu indiquant le résultat du test. Ainsi, en pratique, la plupart des laboratoires se contente d’indiquer un résultat binaire, « POSITIF » ou « NEGATIF », sans indiquer la valeur de Ct. 

 

Pourtant, comme vu précédemment, le nombre de cycles d’amplification joue un rôle important dans la détermination du résultat du test PCR, puisqu’il permet de distinguer : 

   

  • Une personne fortement positive (valeur Ct < 23) : l’infectiosité et la contagiosité sont quasiment certaines, et le taux de faux positif est plus faible ;
  • D’une personne faiblement positive (33 < Ct < 40) : l’absence d’infectiosité et de contagiosité est quasiment certaine, et le taux de faux positif est élevé ; 

 

Aujourd’hui, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) recommande que seule l’interprétation par les biologistes de la valeur Ct du résultat de RT-PCR, et non la valeur de Ct elle-même, soit notée sur le compte-rendu du laboratoire, et ce uniquement dans certaines situations très limitées.

 

Ainsi, dans le meilleur des cas, le compte-rendu du test PCR indiquera : « positif », « faiblement positif » ou « négatif ». Par conséquent, l’interprétation du résultat reste encore opaque, puisque le biologiste n’est pas tenu de faire apparaitre le nombre de cycles d’amplification à partir duquel le génome viral a été détecté.

 

iii. Une valeur de Ct ignorée pouvant conduire à des mesures d’isolement injustifiées 

 

Dans un avis du 21 octobre 2020[2], le HSCP a indiqué que l’isolement des personnes ne serait pas justifié lorsque deux tests consécutifs, réalisés dans les 48h, seraient positifs avec une valeur de Ct au-dessus de 33. En effet, dans ce cas, la charge virale de la personne serait trop faible pour que l’infectiosité et la contagiosité soient caractérisées et l’hypothèse que la personne se situe dans la phase de multiplication virale doit être écartée.

 

Toutefois, la prise en compte de la valeur de Ct > 33 n’est malheureusement pas systématique. 

 

Il sera ainsi demandé à une personne asymptomatique sans antécédents de Covid-19, mais testée positive par RT-PCR avec une valeur Ct supérieure à 33, de se placer en isolement pendant 10 jours (et non pas 7 jours, comme préconisé par le HCSP). Compte tenu du manque d’information sur l’interprétation des résultats des tests PCR, cette personne ignore qu’en refaisant un test dans les 48h, lequel se révèlerait négatif ou faiblement positif à nouveau, elle pourrait alors sortir de l’isolement. En effet, cette personne n’est pas forcément dans une phase de multiplication virale et seul un second test permettrait de confirmer cela.

 

Cette solution consistant à répéter le test deux voire trois fois afin d’en valider le résultat, est également préconisée par l’OMS. Toutefois, elle n’est presque jamais mise en pratique en France et, par conséquent, beaucoup de résultats RT-PCR sont vraisemblablement des faux-positifs, conduisant à des mises en quarantaine injustifiées, pour les personnes testées, mais aussi pour tous les ‘cas contact’. 

 

Pour répondre à cette problématique, le HSCP a indiqué au Directeur général de la santé, M. Jérôme SALOMON[3], qu’ « il est inutile de pratiquer une 2ème RT-PCR car cela brouille le message ». En outre, il ajoute que « la règle doit rester simple : en effet, 7 jours d’isolement au moins après le test positif ».

 

La stratégie sanitaire du gouvernement peut ainsi conduire à des isolements inutiles d’un grand nombre de personnes. 

 

D’ailleurs, dans un avis daté du 17 novembre 2020, le conseil scientifique a écrit que : 

 

« Du fait de leur sensibilité, et en absence de tests quantitatifs (détermination des charges virales), ces tests RT-PCR peuvent amener à des isolements inutiles dans la mesure où environ 20% des personnes dépistées PCR positifs (détection d’ARN viral) présentent une excrétion virale nulle ou faible les rendant non contagieuses. Certaines personnes pouvant même excréter des ARN viraux non infectieux (fragments ou débris de virus) sur plusieurs semaines [en moyenne 5 à 6 semaines] ».

 

En conclusion, les résultats faiblement positifs (Ct > 33) sont actuellement sur-interprétés et conduisent, de manière injustifiée, à des restrictions de libertés importantes pour les individus concernés, telles que la mise à l’isolement et le contact-tracing. Ainsi, il n’y a pas différence de traitement entre une personne ayant un résultat fortement positif et une personne ayant un résultat faiblement positif, ce qui apparaît contraire au principe de proportionnalité.

 

 

D. Des tests PCR soumis à une dérogation de mise sur le marché moins protectrice en matière de santé et de sécurité

 

En droit européen, les tests RT-PCR sont des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DMDIV) qui sont régis par la directive 98/79/CE relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.

 

En principe, leur commercialisation nécessite un marquage CE conformément aux exigences européennes de santé et de sécurité, auxquelles doivent se conformer les fabricants. 

 

Pour obtenir un marquage CE, les fabricants doivent constituer un dossier technique démontrant explicitement que les tests RT-PCR sont sûrs, fiables et de qualité. Le fabricant doit notamment respecter les exigences de conformité énoncées à l’annexe I de la directive. 

 

A titre exceptionnel et dans « l’intérêt de la protection de la santé », une dérogation à ce principe est prévue à l’article 9 § 12 la directiveGrâce à cette dérogation, de nombreux tests RT-PCR sont actuellement mis sur le marché européen sans marquage CE. 

 

En droit français, l’article 25 paragraphe III de l’arrêté du 10 juillet 2020 prévoit, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, une procédure dérogatoire de mise sur le marché de ces dispositifs médicaux de diagnostic in vitro ne disposant pas de marquage CE.

 

A ce titre, le Centre National de Référence des virus des infections respiratoires (CNR) a été chargé de valider la performance de ces tests RT-PCR, notamment en termes de spécificité et de sensibilité, sur la base d’évaluations scientifiques. Cette validation par le CNR est une garantie, pour les laboratoires, que les tests présentent les performances attendues.

 

Pourtant, vu la liste des tests par RT-PCR disponibles sur le marché français, seulement 43% (66 sur 152) d’entre eux ont été validés par le CNR.

 

Par ailleurs, les fabricants, mandataires ou distributeurs concernés doivent se déclarer auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament (l’ANSM) en lui adressant un formulaire accompagné d’une notice du produit conforme aux exigences européennes[4].

 

Conformément à l’article R.5221-36 du code de la santé publique, le contenu et les modalités de présentation de la déclaration devaient être arrêtés par le ministre chargé de la santé, sur proposition du directeur général de l'ANSM. Toutefois, aucun arrêté n’a été pris à ce jour et, en pratique, seul un formulaire de déclaration très lacunaire a été utilisé jusqu’en mars 2021.

 

Enfin, il convient de souligner que la réglementation applicable à la mise sur le marché des tests PCR a fait l’objet de nombreuses modifications. Par conséquent, des dispositifs mis sur le marché grâce à une dérogation aujourd'hui échue, sont encore présents dans les circuits de distribution et peuvent continuer à être utilisés.

 

En conclusion, il existe une multitude de tests RT-PCR sur le marché (voir la liste), qui n’ont pas été soumis aux mêmes normes en matière de sécurité et de performance. De surcroît, 5% des tests d’amplification génique ne possèdent ni marquage CE, ni validation par la CNR. 

 

Conclusion

 

En définitive, il résulte de la présente analyse que le nombre de « cas positifs » issu des résultats de tests RT‐PCR n'est pas fiable et invalide le suivi statistique national du nombre de personnes réellement infectées. 

 

Puisque les résultats des tests PCR ne constituent pas des indicateurs pertinents de suivi de la crise sanitaire, les stratégies qui en découlent sont donc nécessairement inadaptées et cela remet en cause la proportionnalité et la nécessité de nombreuses restrictions de libertés, tant sur le plan individuel que collectif, qui ont été prises depuis plus d’un an. 

 


[1] Mail du 22 octobre 2020, adressé au secrétaire général du HCSP (voir annexe 1, de l’avis du HCSP du 21 novembre 2020)

[2] Avis du HCSP du 21 novembre 2020 relatif à la stratégie de prise en charge des personnes suivant l’interprétation du niveau de réplication virale par technique de RT-PCR SARS-CoV-2 ainsi que la pertinence du prélèvement nasal pour RT-PCR SARS-CoV-2

[3] Mail en date du 1er décembre 2020, du directeur général de la santé à la suite de l’avis du HSCP, Réf Pégase : D20-024058

[4] Annexe I, partie B, point 8.7 de la directive 98/79 CE.