Allium ascalonicum…

Notre vénérable Cour de Justice des Communautés Européennes, qui avait été saisie l’an passé par une question préjudicielle du Conseil d’Etat français, vient, par un arrêt du 10 janvier dernier, de trancher une polémique des plus épineuses sur le thème de … la reproduction des échalotes !

Un débat qui empoisonnait depuis trop longtemps les relations entre paysans bretons et semenciers hollandais.

Une solution qui n’est pas pour les apaiser...

Il s’agissait dans cette affaire de savoir si les échalotes dites « de semis », mises au point par une entreprise hollandaise et obtenues par reproduction sexuée, pouvaient valablement se voir refusées en France l’appellation « échalote », réservée aux seules échalotes « de tradition », produites par les agriculteurs bretons, et issues d’une reproduction végétative asexuée.

Les deux variétés hollandaises, assimilées en France à de vils oignons, devaient-elles être admises dans le club très fermé de l’espèce allium ascalonicum ?

Les bretons, vous vous en douterez, juraient que non. Et les passions, dans nos campagnes, se sont déchaînées. Aussi pouvait-on lire, au détour des routes et des villages, placardés sur des panneaux de grandes dimensions : « les échalotes sont en guerre » ou « mort à l’oignon hollandais ! », aux côtés d’un trident évocateur …

Les hollandais, quant à eux, n’en sont pas restés moins belliqueux. Pour donner le change, ils ont baptisé leurs variétés d’échalotes nouvellement créées….« matador » et « ambition » !

C’est donc dans ce contexte houleux que la Cour de Justice des Communautés Européennes a jugé que la réglementation française constituait une entrave au commerce intracommunautaire et que la finalité apparemment poursuivie par celle-ci, à savoir la protection des consommateurs, pouvait être atteinte par un étiquetage approprié.

Quel camouflé pour les paysans bretons !

Pourtant, un espoir leur est donné : si la réglementation française est illicite au regard du droit communautaire, l’inscription des variétés hollandaises au « catalogue européen commun des variétés des espèces de légumes » l’est tout autant.

C’est donc une chance qui leur est donnée de voir un jour annuler cette inscription, ce qui permettrait d’invalider leur qualification d’ « échalote » au niveau européen et non plus seulement au niveau national ! 

 

Pour le moment en tous cas, et jusqu’à ce que ces subtilités soient suivies d’effet, c’est l’indignation qui règne. Et la jacquerie est proche, croyez moi.

Aussi, entre l’ « échalote de tradition » et l’ « échalote de semis », vous devrez choisir votre camp, et comme on déclarait avant la guerre des boutons, on déclare aujourd’hui la guerre des oignons…

Mais le pire est encore à venir, car pensez un instant à ce que la nature recèle encore de contentieux potentiels ; car la famille des liliacées se compose encore de l’ail dit « rocambole » ou « échalote espagnole », de l’ail d’ours ou allium ursinum, de l’ail de Naples ou allium napolitanum, de l’ allium sativum, de l’allium cepa, etc, etc.