Décryptage du nouveau régime de protection des haies d'après les dispositions de la Loi d'orientation agricole

L’article 37 de la LOA (anciennement article 14) introduit dans le code de l’environnement une nouvelle section relative à « la protection et la gestion durable des haies » et composée de huit nouveaux articles : L. 412-21 à L. 412-28 {pour la suite de l’analyse, à défaut d’autre précision, il est fait référence au code de l’environnement). 

 

Ces dispositions consacrent un régime spécifique à la protection des haies, qui sont maintenant définies et reconnues pour leurs services écosystémiques. La loi consacre le principe de leur gestion durable de façon à garantir leur multifonctionnalité. Pour cela, une procédure déclarative préalable aux opérations de destruction de haie est créée. Le régime prévoit une coordination des procédures lorsqu’un projet est soumis à différentes législations, dont la complexité laisse toutefois perplexe quant à son utilité. Enfin, de nombreux éléments importants restent encore à préciser par des décrets et arrêtés, tels que la notion de destruction, les conditions et modalités de la compensation, les périodes d’interdiction de travaux sur les haies, le contenu du dossier, les motifs de refus à la demande de destruction… Ce régime reste encore largement à définir, y compris dans ses paramètres fondamentaux.  

Il conviendra donc d’être vigilant en interrogeant les services du ministère, et les services préfectoraux des départements, sur le calendrier d’élaboration et d’adoption de ces textes réglementaires, et de solliciter l’intervention des parties prenantes. Les citoyens seront certainement invités à s’exprimer par consultation électronique sur le projet de décret visé à l’article L. 412-26.

 

 

I. Définition de la haie 

 

La LOA apporte à l’article L. 412-21, une définition de la haie, jusqu’alors inexistante de tout code. Elle exclut toutefois d’emblée certains éléments du champ d’application du régime introduit. 

 

 « Sauf disposition spéciale, une haie est une unité linéaire de végétation, autre que des cultures, d’une largeur maximale de vingt mètres et qui comprend au moins deux éléments parmi les trois suivants : 

-       Des arbustes ; 

-       Des arbres ; 

-       D’autres ligneux. »

 

Ainsi, une haie ne peut être uniquement composée d’arbres, d’arbustes ou de ligneux. Il convient que ces éléments y soient mélangés. 

 

Cette définition nous semble assez imprécise puisqu’elle ne permet que confusément de distinguer les haies des bosquets ou des bois, par exemple. Aucune largeur minimale n’est prévue, ni aucune longueur minimale ou maximale. Il convient peut-être de s’en réjouir, car alors tout linéaire, même minime, pourrait être considéré comme une haie. Il n’est pas non plus fait référence aux fonctions de la haie. 

 

A titre d’exemple, l’AFAC proposait de limiter la définition des haies aux unités linéaires de végétation ligneuse d’une largeur maximum de 20 mètres et d’une longueur minimum de 25 mètres, ce linéaire pouvant être discontinu si ses interruptions ne dépassent pas 20 mètres.

 

La LOA exclut en outre certains éléments de son champ d’application :

 

« Sont régies par la présente section les haies, à l’exclusion des allées d’arbres et des alignements d’arbres au sens de l’article L. 350-3, qu’ils bordent ou non des voies ouvertes ou non à la circulation publique, et à l’exclusion des haies implantées en bordure de bâtiments ou sur une place, qui constituent l’enceinte d’un jardin ou d’un parc attenants à une habitation ou qui se situent à l’intérieur de cette enceinte. 

« Est également exclue la chaussée de toute voie cadastrée sous l’appellation “chemin rural” ».

 

Sont ainsi exclus :

-   Les allées et alignements d’arbres au sens de l’article L. 350-3 du code de l’environnement, qu’ils bordent ou non les voies publiques. 

o   Sur ce point, il faut remarquer la mauvaise formulation de ce texte (« au sens de l’article L. 350-3 »), puisque l’article L. 350-3 vise exclusivement les allées d’arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique. Il aurait été suffisant d’écrire « les allées et alignements d’arbres… ». 

-   Les haies situées en bordure ou au sein d’une habitation ou d’un jardin. 

o   Ainsi, les haies constituant la clôture d’une habitation chez des particuliers, ainsi que celles des parcs publics ou privés, ne seront pas concernées par le régime, peu importe qu’il s’agisse d’un espace urbain ou rural, d’une habitation agricole ou citadine et peu importe la valeur écologique de la haie.  

-   Les haies situées sur la chaussée d’un chemin rural. Cette notion de chaussée interroge : concerne-t-elle également les haies en bordure des chemins ruraux ? 

o   En pratique, cette exclusion n’est pas négligeable, puisque les chemins ruraux comportent bien souvent des haies sur leur bordure, et leur linéaire en France est estimé à entre 700 000 et 1 million de kilomètres… 

 

En revanche, semblent toujours bien inclues :

-   Les haies agricoles : celles qui bordent, ou se situent dans l’enceinte d’une parcelle agricole ;

-   Les haies sauvages, situées dans le milieu naturel ;

-   Les haies bordant les voies publiques (hors allées et alignements d’arbres et chemins ruraux) ;

-   Les haies bordant les infrastructures ferroviaires, de télécommunication, d’électricité.

 

Il sera par ailleurs aisé de prendre connaissance des haies existantes sur un territoire et des protections s’y appliquant, puisque le nouvel article L. 412-28 confie à l’autorité administrative le soin de mettre à la disposition du public, avant le 25 mars 2027, une cartographie informative « régulièrement mise à jour des protections législatives ou réglementaires applicables aux haies, à une échelle géographique fine. ». En pratique, il s’agira d’une cartographie départementale. Il conviendra donc de faire une recherche par département, sur la base de ce qui existe déjà dans certains territoires (par exemple pour le Maine et Loire : https://carto2.geo-ide.din.developpement-durable.gouv.fr/frontoffice/?map=cc89e700-1236-4325-b636-1f108afc6356). 

 

 

II.  Un objectif de gestion durable des haies

 

La loi reconnait la valeur des haies au regard des « services écosystémiques » qu’elles rendent : « II.-La valeur des haies est reconnue pour les services écosystémiques qu'elles rendent » (article L. 412-1, II). Les haies apportent en effet de nombreux services écologiques, et bénéficient également aux territoires:

-       Régulation climatique : effet brise-vent, régulation des températures, puits de carbone ;

-       Ralentissement des écoulements de l'eau : infiltration bénéfique aux sols et aux cultures, lutte contre la sécheresse, lutte contre les inondations, réduction des pollutions de l'eau ; 

-       Accueil de la biodiversité : rôle d’habitat pour de nombreuses espèces, y compris des auxiliaires des cultures permettant de réduire l'usage des pesticides nocifs pour la santé humaine et d’améliorer les rendements ;

-       Intérêt paysager : participent au patrimoine bocager.

 

Ces différents services ne sont toutefois pas rappelés par la loi, mais rattachés à la qualité « multifonctionnelle des haies » : la loi prévoit ainsi que les interventions sur les haies doivent viser « un objectif de gestion durable définie comme permettant le maintien de leur multifonctionnalité agronomique, écologique et paysagère dans l’espace et dans le temps ».

 

La loi n’introduit cependant pas la notion de « bon état écologique de la haie », ce qui est regrettable. Par exemple, l’AFAC-Agroforesteries proposait de préciser que « le bon état écologique permet d'assurer leur bon développement et le maintien de leur multifonctionnalité : protection de la biodiversité, protection de l’eau et des sols, stockage de carbone et production de biomasse. »

 

Il faut souligner l’usage du terme « viser » qui implique qu’il s’agit d’une obligation de moyens, et non de résultat. 

 

Ainsi, les gestionnaires de haies doivent poursuivre un objectif de gestion durable de celles-ci, afin d’assurer le maintien de leur multifonctionnalité. 

 

Cet objectif n’interdit pas toute intervention sur les haies. En particulier, elles peuvent faire l’objet de travaux d’entretien usuels, notamment en vue de permettre « la valorisation économique de ses produits, notamment la biomasse ». L’AFAC proposait en outre d’ajouter que ces travaux doivent assurer a minima une continuité dans le temps des étages de végétation, une largeur minimale de houppier ou un potentiel de développement de la végétation, ainsi que le maintien d’une emprise ligneuse au sol minimale associée à un ourlet enherbé. 

 

La loi prévoit, outre un objectif de gestion durable, que ces travaux doivent tenir compte « de leur caractère dynamique dans le temps et dans l’espace ». Par exemple, des pratiques de gestion des haies qui ne permettraient pas de protéger leur multifonctionnalité dans le temps, ou dans l’espace, telle que la coupe à blanc, à une mauvaise période de l’année par exemple, pourraient constituer une faute. 

 

Un arrêté départemental, pris en application de l’article L. 412-27, viendra utilement fournir « une liste des pratiques locales usuelles présumées répondre, de manière constante sur le territoire du département, à la notion de travaux d'entretien usuels de la haie. » Cette liste ne pourra pas ignorer l’objectif de gestion durable inscrit dans la loi. 

 

Enfin, il faut noter que le nouvel article L. 412-27 prévoit d’introduire une « période d'interdiction de travaux sur les haies », laquelle doit être fixée « en tenant compte des périodes sensibles pour les espèces à enjeux locaux au regard des périodes de nidification ainsi que des spécificités et des conditions climatiques et pédologiques du département ». Cette période sera déterminée par l’autorité administrative dans chaque département, en s'appuyant sur les données publiques disponibles, en particulier celles de l'Observatoire de la haie[1], et après consultation des parties prenantes (définies comme les organisations représentatives agricoles et associations représentatives d'élus locaux ainsi que les représentants des gestionnaires d'infrastructures de réseaux et une association de protection de l'environnement). 

 

Par ailleurs, concernant les gestionnaires de voirie, d’infrastructures ferroviaires, d’infrastructures de communications électroniques ou de réseaux de distribution publique d’électricité, qui ont sous leur responsabilité plusieurs dizaines de milliers de kilomètres de haies à gérer, la loi leur impose d’établir « un plan d’action pour atteindre l’objectif de gestion durable des haies ». 

 

Dans la mesure où ces personnes, qui ne sont pas nécessairement des personnes publiques, sont en tout état de cause chargées d’une mission de service public, et que ces documents contiennent des informations environnementales, ce plan de gestion devrait être communicable à toute personne qui en ferait la demande. 

 

Le nouveau régime créé par la loi va également encadrer les travaux de destruction de haies, en les soumettant à déclaration ou à autorisation. 

 

 

III. Les formalités préalables à la destruction d’une haie : l’instauration d’un régime incomplet et difficilement compréhensible

 

a)     Un nouveau régime déclaratif encore à préciser

  •  Déclaration pour la destruction de haie

Sauf si elle est soumise à autorisation au titre d’une autre législation (cf. infra), la loi soumet tout projet de destruction d’une haie à une déclaration préalable (article L. 412-22).

 

Malheureusement, la loi ne définit pas la notion de « destruction ». Lors des débats parlementaires sur la LOA, l’AFAC proposait de préciser que la destruction pourrait couvrir, « l’arrachage » ou des « techniques dégradant significativement le développement de la végétation ligneuse et portant atteinte aux services écosystémiques de la haie ».  En effet, certaines techniques de coupes « sauvages » dégradent tellement la haie et ses fonctions qu’elles sont équivalentes à un arrachage pur et simple. 

Il faut ainsi espérer que cette notion sera précisée dans le décret en Conseil d’Etat pris en application de l’article L. 412-26, celui-ci devant préciser « les modalités et les conditions de la déclaration unique ». 

 

La loi précise toutefois que ne seront pas assimilés à une destruction les travaux nécessaires à la « préservation du gabarit de sécurité des infrastructures linéaires ». Les infrastructures linéaires de transport (ILT) sont composées des « installations fixes destinées au transport de voyageurs ou de marchandises, de longue distance et de proximité. » (Commissariat général au développement durable, 2016). Ces infrastructures linéaires de transport prennent différentes formes selon les besoins en transport auxquelles elles répondent : réseau routier, ferroviaire, réseau ferré de transports urbains (métros et RER), réseau fluvial, réseau de transport d’électricité et réseau de transport de gaz. En pratique, cela concerne un nombre considérable de kilomètres de haies. 

 

L’appréciation des travaux au regard de l’objectif de « préservation du gabarit de sécurité » et son articulation avec l’objectif de gestion durable feront sûrement l’objet de débats. Rappelons toutefois que la loi impose à ces gestionnaires d’établir un plan d’action pour la gestion durable de ces haies.

 

De même, les interventions mises en œuvre dans le respect du principe de gestion durable, ou les travaux d’entretien usuels visés à l’article L. 412-21 II, ne devraient pas être concernés par ce régime déclaratif dès lors qu’ils ne devraient pas conduire à la destruction de la haie, sous réserve que principe de gestion durable soit effectivement respecté. 

 

  • Une procédure encore incomplète

 Outre le flou entourant encore certaines notions, la loi ne précise pas le contenu du dossier de déclaration, ni les motifs pour lesquels l’autorité administrative pourrait s’opposer à la demande. Le décret visé à l’article L. 412-26 précisera sans doute ces éléments. On peut toutefois supposer que les motifs offerts par une autre législation, si elle trouve à s’appliquer, pourront servir de base à une opposition de l’administration aux travaux déclarés. 

 

La loi accorde toutefois à l’autorité administrative un délai de 4 mois pour prendre sa décision, ce qui est un délai important s’agissant d’une procédure déclarative. 

 

A l’issue de ce délai, le silence de l’autorité administrative vaudra acceptation du projet, et les travaux pourront commencer.

 

Par ailleurs, la loi instaure une procédure unique lorsque la destruction de la haie est soumise à déclaration en application d'une ou plusieurs des treize législations mentionnées à l'article L. 412-24 (habitats naturels, espèces animales ou végétales et sites d'intérêt géologique protégés, sites Natura 2000, réserves naturelles, sites inscrits ou sites classés, périmètre de protection d’une source d’eau minérale, périmètre de captage d’eau potable, BCAE de la PAC, abords des monuments historiques, périmètre des sites patrimoniaux remarquables, etc.). Le projet restera ainsi apprécié au regard des critères et des règles prévus par ces législations. L’apport principal de loi réside ainsi dans la création d’un régime permettant la coordination de différentes procédures prévues par exemple par le code de l’environnement, le code de l’urbanisme ou le code du patrimoine, mais celui-ci est hélas, difficilement compréhensible (cf. infra).  

 

  • Une sanction trop légère

 Enfin, la loi est très souple s’agissant de la sanction encourue en cas de destruction d’une haie sans avoir obtenu l’absence d’opposition requise, ou en cas de violation de la mesure d’opposition, puisqu’elle est punie par une contravention de 2ème classe, peu important la gravité ou l’étendue de la destruction. 

 

A noter : s’agissant d’une contravention, cette sanction peut être cumulée avec les autres peines éventuellement encourues au titre d’autres législations applicables. Gageons ainsi qu’il ne s’agit ici que d’une sanction supplémentaire, liée à ce seul régime déclaratif nouveau, qui n’éclipsera en rien les autres dispositions légales et réglementaires applicables, même si la loi n’est pas explicite sur ce point. 

 

 

b)    La soumission à autorisation, si une autorisation était déjà requise par une autre législation

 

Si le projet de destruction de haies est par ailleurs soumis à autorisation au titre d’une autre législation, énoncée à l’article L. 412-24, alors la destruction de haie sera également soumise à autorisation, délivrée dans le cadre d’une procédure unique, mais dont les conditions de délivrance seront appréciées au regard des critères propres à chaque législation (article L. 412-23). De plus, cette autorisation tiendra lieu également des déclarations, absence d’opposition ou dérogations requises par l’une des législations visées à l’article L. 412-24. Ainsi, si un projet de travaux requiert le passage par une procédure de déclaration et par une procédure d’autorisation, la procédure déclarative sera instruite dans le cadre de la procédure d’autorisation unique.

 

Il appartiendra à l’autorité administrative qui réceptionnera la demande d’indiquer au demandeur, dans un délai fixé par le décret prévu à l’article L. 412-26 et ne pouvant excéder 4 mois, si le projet doit faire l’objet d’une autorisation. L’autorité pourra alors demander au pétitionnaire, le cas échéant, la transmission des éléments complémentaires nécessaires à l’instruction de cette demande. Elle lui indiquera en outre le délai dans lequel la décision sera prise. 

 

L’utilité de cette disposition interroge puisque, sur le fond, elle ne fait que rappeler l’autorisation requise pour certains projets de destruction. 

Le texte a le mérite de souligner l’obligation pour l’autorité administrative d’informer le demandeur sur le point de savoir si son projet est soumis à une procédure d’autorisation, et d’unifier les différentes procédures d’autorisation et de déclaration. 

 

Tant que le porteur de projet n’aura pas obtenu cette autorisation, il ne pourra pas mettre en œuvre les travaux projetés. 

 

Le fait de réaliser les travaux projetés sans avoir obtenu l’autorisation requise est puni d’une contravention de 4ème classe. Étant une contravention, cette sanction, comme indiqué supra, pourra être cumulée avec d’autres contraventions ou délits encourus (article 132-7 code pénal).

 

 

c)     Une coordination des procédures incomplète et incohérente

 

Tout d’abord, il faut signaler que la procédure unique ainsi instaurée est intégrée au régime de l’autorisation environnementale (cf. article L. 181-2). Ainsi, la destruction d’une haie dans le cadre d’un projet soumis :

-       à déclaration, enregistrement ou autorisation ICPE ;

-       à d’autres procédures IOTA que la rubrique 3.1.4.0 ;

-       à autorisations environnementales plus largement,

sera autorisée dans le cadre de l’instruction de l’autorisation environnementale (L. 181-2). 

 

En outre, lorsque le projet n’est pas soumis à autorisation environnementale, mais reste encadré par plusieurs autres législations, la loi a instauré une procédure unique, en prévoyant une coordination de différentes procédures. Toutefois cette tentative est incomplète, et incohérente. 

 

L’article L. 412-24 prévoit ainsi que si le projet est soumis à déclaration ou autorisation au titre de l’une des 13 législations qu’il vise, le demandeur devra procéder à une déclaration unique, dont la délivrance sera appréciée au regard des critères propres à chaque législation. 

 

Les législations visées sont les suivantes – selon les cas déclaration, ou autorisation :

-       Dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées et atteinte à la conservation des sites d’intérêts géologiques[2] : cette procédure est une procédure d’autorisation ; elle n’est donc pas concernée par le régime déclaratif de la destruction de haie. 

-       Absence d’opposition au titre du régime d’évaluation des incidences Natura 2000[3] ;

-       L’autorisation ou l’absence d’opposition s’agissant de travaux de consolidation ou de protection des berges comportant une destruction de la ripisylve[4]. Il s’agit d’ouvrages entrant dans le champ d’application de la rubrique 3.1.4.0 de la nomenclature IOTA[5].

-       L’autorisation spéciale de :

o   modifier l’état ou l’aspect de territoires classés en réserve naturelle, d’un site classé[6], même s’il est en instance de classement [7], ou 

o   d’effectuer des travaux dans les abords des monuments historiques[8], ou dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables[9] ;

-       La déclaration préalable pour les travaux dans les sites inscrits[10] : il est à noter que cette déclaration se raréfie en pratique concernant les travaux sur des sites inscrits avant la loi du 8 aout 2016 (dite loi « biodiversité »), puisque celle-ci prévoit que ces sites doivent, avant le 1er janvier 2026, soit faire l’objet d’une autre mesure de classement au moins équivalente, ou d’un déclassement lorsque leur état de dégradation irréversible le justifie (article L. 341-1-2). Le décret du 5 mai 2022 met fin à l’inscription des sites inscrits au titre de l’article L. 341-1 lorsque leur état dégradé le justifie ou qu’une mesure de protection équivalente s’applique ;

-       L’autorisation ou l’absence d’opposition à une déclaration de travaux dans le périmètre de protection d’une source d’eau minérale naturelle déclarée d’intérêt public[11], ou s’agissant du régime de protection des haies dans le cadre des périmètres de captage d’eau potable[12] ;

-       L’autorisation de destruction des boisements linéaires, haies et plantations d'alignement protégés par décision du Préfet[13] ;

-       La déclaration requise au titre de la protection des espaces boisés classés (article L. 113-1 du code de l’urbanisme) ou s’il y a atteinte à des éléments identifiés comme présentant un intérêt par décision du conseil municipal en l’absence de PLU (en application des articles L. 111-22), ou si la commune est dotée d’un PLU, en application de l’article L. 151-19 ou -23[14]. 

-       Les protections imposées au titre de la PAC, notamment au titre des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE)[15] ;

 

Ainsi, lorsqu’une personne qui prévoit de détruire une haie doit concomitamment déposer une ou plusieurs déclarations et/ou une ou plusieurs autorisations au titre de l’une ou plusieurs de ces législations, elle pourra formuler une demande unique. 

 

Si l’objectif de simplifier les démarches administratives est louable, la loi est toutefois difficilement accessible, et elle comporte des incohérences. Ainsi, par exemples, il n’est pas prévu de procédure unique lorsque le demandeur est concerné par l’une des procédures suivantes :

- Les permis de construire, et décisions de non-opposition à déclaration préalable prévus par le code de l’urbanisme (sauf exception pour ceux visés à l’article L. 425-1 du code de l’urbanisme, cf. infra);

- Les autorisations de défrichement ;

- L’interdiction de porter atteinte aux allées et alignements d’arbres bordant la voie publique (article L. 350-3 du code de l’environnement) ;

- Etc.

 

Un projet qui inclurait une destruction de haie et qui serait soumis à l’une de ces législations devra donc faire l’objet de deux autorisations distinctes. C’est ainsi que, dans leur « rapport sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n°2436), n° 2600 », déposé le samedi 4 mai 2024, les députés énonçaient les législations entrant en concurrence « sans prétendre à l’exhaustivité »[16].

 

Au surplus, la procédure unique ne s’applique pas lorsque la décision d’urbanisme autre que celle mentionnée au 9° de l’article L. 412-24[17], tient lieu d’une des législations visées aux articles R. 425-1 à R. 425-15-2 du code de l’urbanisme. C’est ainsi que le dernier alinéa de l’article L412-24 du code de l’environnement dispose : 

« Le présent article ne s’applique pas dans les cas, prévus à l’article L. 425-1 du code de l’urbanisme, où un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou une décision prise sur une déclaration préalable, autre que celles mentionnées au 9° du présent article, tient lieu de l’une des décisions énumérées au présent article ». 

 

L’article L. 425-1 du code de l’urbanisme prévoit quant à lui que si un projet est soumis à différentes réglementations (visées aux articles R. 421-5 à R. 425-5-2 du code de l’urbanisme), le permis de construire ou la déclaration préalable les englobe toutes, si l’accord de l’autorité compétente a été recueilli : 

« Les constructions ou travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-4 sont soumis, en raison de leur emplacement, de leur utilisation ou de leur nature, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu d'autorisation au titre de ces législations ou réglementations, dans les cas prévus par décret en Conseil d'Etat, dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente ».

 

Les articles R. 421-5 à R. 425-5-2 du code de l’urbanisme établissent ainsi une liste « d’opérations pour lesquelles le permis ou la déclaration préalable tient lieu de l’autorisation prévue par une autre législation ». La décision d’urbanisme comprendra ainsi également les autorisations requises au titre du code du patrimoine (monuments historiques, périmètre de sites patrimoniaux) ou du code de l’environnement (sites inscrits, sites classés ou en instance de classement territoires classés en réserve naturelle), après accord ou avis de l’autorité compétente selon les cas. 

 

Ainsi, d’après le dernier paragraphe de l’article L. 412-24, si la procédure d’urbanisme tient lieu d’une des législations visées à l’article L. 412-24, alors la décision de non-opposition à la déclaration ou l’autorisation unique accordée dans le cadre du régime unique prévu désormais par le code de l’environnement ne tiendra pas lieu de l’autorisation d’urbanisme délivrée au titre de l’article L. 425-1 du code de l’urbanisme. Il faut donc à la fois que la procédure soit à la fois mentionnée à l’un des articles R. 425-1 à R. 425-12-1 du code de l’urbanisme et à l’article L. 412-24. 

 

En somme, les deux procédures devront être suivies, et ce même dans les cas où la décision d’urbanisme tiendra lieu de certaines procédures, alors que le projet en question aurait pu, sans formalités d’urbanisme, être concerné par l’autorisation unique. 

 

En pratique, il s’agira :

-       de projets situés dans les abords des monuments historiques (article R. 425-1 du code de l’urbanisme – R. 412-24-11°) 

 

Dans ce cas, la décision d’urbanisme tiendra lieu de l’autorisation prévue par le code du patrimoine, si l’Architecte des Bâtiments de France a donné son accord au titre de l’article L. 632-2 du code du patrimoine, ou son avis pour les projets mentionnés à l’article L. 632-2-1 du même code. 

L’autorisation unique pour un projet de destruction de haie située dans le périmètre d’un monument historique devra ainsi suivre, le cas échéant, la procédure requise au titre du code de l’environnement, de même que celle requise au titre du code de l’urbanisme, laquelle comprendra elle-même l’accord ou l’avis de l’ABF au titre du code du patrimoine.  

- de projets ayant pour objet de modifier l’état ou l’aspect de réserves naturelles ou en instance de classement (article R. 425-4 code de l’urbanisme ; R. 412-24-4°) 

 

Ici encore, si la décision d’urbanisme tient lieu de l’autorisation spéciale de modifier l’état ou l’aspect de territoires classés en réserve naturelle ou en instance de classement, l’autorisation unique de destruction de haie ne tiendra pas lieu de l’autorisation spéciale, la procédure d’urbanisme devant également être suivie. 

-       de projets situés dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable (article R. 425-2 code de l’urbanisme ; R. 412-24-12°)

 

Ici l’autorisation unique ne tiendra pas lieu de l’accord de l’ABF requis par ailleurs au titre de la décision d’urbanisme. 

 

Enfin, la loi réserve le cas où la décision d’urbanisme est requise au titre de la protection des espaces boisés classés, ou pour des travaux portant sur des éléments classés dans le plan local d’urbanisme ou par une carte communale, lorsque cette décision est prise au nom de l’Etat. Dans ces cas, la procédure unique de destruction de haie tiendra lieu de l’autorisation d’urbanisme requise à ce titre… 

Ainsi, cette tentative de coordination des procédures est particulièrement confuse et incohérente, puisque l’article L. 412-24 indique lui-même que cette procédure unique s’applique à des travaux situés dans le périmètre de sites patrimoniaux remarquables ou de monuments historiques. Ainsi, pour des travaux situés dans ces périmètres particuliers, l’article L. 412-24 prévoit qu’une procédure unique s’applique, tandis que son dernier alinéa l’exclut dans le contexte où la décision serait prise dans le cadre d’un permis de construire ou d’une déclaration préalable.

 

Finalement, un projet de destruction de haies inclus dans un projet d’urbanisme (PC, DP etc..) et soumis à ce titre, par exemple, à des formalités au titre de l’atteinte à un site patrimonial remarquable ou aux abords d’un monument historique, devra également obtenir l’autorisation unique nouvellement inscrite dans le code de l’environnement, puisque l’autorisation d’urbanisme est indépendante de ce nouveau régime. Inversement, l’autorisation unique n'a pas vocation à se prononcer sur l’un des aspects d’un projet d’urbanisme. Cela vaut sauf dans le cas où la demande d’autorisation d’urbanisme porte sur un espace boisé classé ou protégé au titre des articles L.111-22, L. 151-19 ou L. 151-23 du code de l’urbanisme. Dans ces cas, la procédure unique trouvera à s’appliquer.

 

On le voit, le législateur n’est pas allé jusqu’au bout de sa démarche de simplification. Il faut dès lors espérer qu’une circulaire permettra de clarifier l’instruction des dossiers d’urbanisme…

 

 

d)    L’ajout d’une procédure de participation superflue, voire dangereuse ?

 

La demande d’autorisation pourra être soumise à la participation du public par voie électronique (PPVE) (article L. 123-19), si elle a une incidence directe et significative sur l’environnement : 

 

« La décision d'autorisation est soumise à la participation du public selon les modalités prévues à l'article L. 123-19 lorsqu'elle a une incidence directe et significative sur l'environnement.»

 

Dans ce cas, la loi fait prévaloir les règles de cette autorisation unique ainsi instaurée, soit l’organisation d’une PPVE : « Les règles de procédure et de consultation applicables à l'autorisation unique se substituent aux règles de procédure et de consultation prévues par le présent code et par les autres législations pour la délivrance des décisions mentionnées à l'article L. 412-24 ». 

 

Ainsi, cette nouvelle procédure unique prend le pas sur les règles de participation qui peuvent être prévues pour la délivrance des décisions mentionnées à l’article L. 412-24. Les critères de participation fixés par les autres législations sont ainsi éclipsés par l’appréciation souveraine et potentiellement arbitraire de « l’incidence directe et significative sur l’environnement » de l’autorité administrative chargée de la procédure unique. 

 

 

e)    L’obligation de compensation des haies détruites

 

Le nouvel article L. 412-25 du code de l’environnement impose qu’une destruction de haies soit compensée par la replantation d’un linéaire au moins égal à celui détruit. Si l’obligation de compensation est louable, il faut toutefois regretter que la loi ne prenne en considération que le seul linéaire, et non pas l’ancienneté, les qualités environnementales ou les services écosystémiques rendus par la haie détruite… 

 

Cette compensation ne semble en outre pas automatiquement obligatoire puisque l’article L. 412-26 prévoit qu’un décret en Conseil d’Etat précisera « les conditions dans lesquelles la destruction d’une haie fait l’objet des mesures de compensation ». Ce décret doit en outre prévoir « une application territorialisée des mesures de compensation ». 

 

En ce sens, le nouvel article L. 412-27 prévoit d’introduire « un coefficient de compensation en cas de destruction de haie », qui devra tenir compte, notamment, de « la densité de haies dans le département, de la dynamique historique de destruction ou de progression du linéaire de haies et de la valeur écologique des haies détruites en fonction d'une typologie de haies définie par arrêté des ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture ». Un arrêté ministériel qui viendra préciser les différentes typologies de haies est donc également à attendre.

 

Ce coefficient est intéressant car il permettra de tenir compte à la fois des caractéristiques du territoire, et de celles de la haie en particulier. 

 

Ce coefficient sera fixé par l’autorité administrative dans chaque département, en s'appuyant sur les données publiques disponibles, en particulier celles de l'Observatoire de la haie, après consultation des parties prenantes (organisations représentatives agricoles et associations représentatives d'élus locaux, représentants des gestionnaires d'infrastructures de réseaux et une association de protection de l'environnement). 

 

L’autorité pourra enfin fixer d’autres prescriptions nécessaires à la conservation des intérêts protégés par l’une des législations visées à l’article L. 412-24. Elle pourrait par exemple imposer d’inclure dans le nouveau linéaire de haies des éléments favorisant l’installation d’espèces protégées d’oiseaux. 

 

Enfin, l’autorité devra informer le demandeur de la possibilité de solliciter un conseil avant les opérations de destruction et de replantation et lui proposer une liste d’organismes agréés compétents.

 

*           *          *

 

Vous avez un projet d’intervention sur une haie ou vous avez assisté à une destruction de haie et vous vous interrogez sur la légalité de cette intervention ? Une procédure de participation a-t-elle été ou va-t-elle être mise en œuvre ? 

 

Vous pouvez anticiper, au regard de ce petit guide, la procédure qui devra être suivie. 

 

Si une décision administrative était requise, vous pouvez également en demander la communication à l’autorité qui l’a délivrée !

 

Nos avocats sont à votre écoute et peuvent vous conseiller sur l’application de ce nouveau régime. 

 

 


[1] https://agriculture.gouv.fr/sia2024-le-ministre-en-charge-de-lagriculture-presente-les-25-actions-du-pacte-en-faveur-de-la-haie

[2] « 1° La dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application des 4° et 7° du I de l’article L. 411-2 »

[3] « 2° L’absence d’opposition au titre du régime d’évaluation des incidences Natura 2000 en application du VI de l’article L. 414-4 ; »

[4] « 3° L’autorisation ou l’absence d’opposition à une déclaration de travaux de consolidation ou de protection des berges comportant une destruction de la ripisylve, en application de l’article L. 214-3 ; »

[5] Rubrique 3.1.4.0. Consolidation ou protection des berges, à l'exclusion des canaux artificiels, par des techniques autres que végétales vivantes : 

-       1° Sur une longueur supérieure ou égale à 200 m (A) ; 

-       2° Sur une longueur supérieure ou égale à 20 m mais inférieure à 200 m (D)

[6] « 5° L’autorisation spéciale de modifier l’état des lieux ou l’aspect d’un site classé ou en instance de classement en application des articles L. 341-7 et L. 341-10 ; » 

[7] «  4° L’autorisation spéciale de modifier l’état ou l’aspect de territoires classés en réserve naturelle ou en instance de classement, en application des articles L. 332-6 ou L. 332-9, lorsqu’elle est délivrée par l’État ou lorsque l’accord de l’autorité compétente a été recueilli ; » 

[8] « 11° L’autorisation spéciale des travaux aux abords des monuments historiques en application de l’article L. 621-32 du code du patrimoine ; 

[9] « 12° L’autorisation spéciale des travaux dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables en application de l’article L. 632-1 du même code ; 

[10] « 13° La déclaration préalable des travaux sur les sites inscrits, en application du dernier alinéa de l’article L. 341-1 du présent code. 

[11] « 6° L’autorisation ou l’absence d’opposition à une déclaration de travaux dans le périmètre de protection d’une source d’eau minérale naturelle déclarée d’intérêt public, en application de l’articleL.1322-4 du code de la santé publique »

[12] « 7° L’autorisation délivrée en application de l’article L. 1321-2 du même code pour la protection des haies dans le cadre des périmètres de captage d’eau potable »

[13] « 8° L’autorisation de destruction d’une haie bénéficiant de la protection prévue à l’article L. 126-3 du code rural et de la pêche maritime »

[14] « 9° L’absence d’opposition à une déclaration préalable prévue, en application de l’article L. 421-4 du code de l’urbanisme, pour les travaux portant sur des éléments classés en application de l’article L. 113-1 du même code ou identifiés comme présentant un intérêt en application des articles L. 111-22, L. 151-19 et L. 151-23 dudit code lorsque la décision sur cette déclaration préalable est prise au nom de l’État ou lorsque l’accord de l’autorité compétente a été recueilli ; »

[15] « 10° L’absence d’opposition à une déclaration préalable ou l’autorisation prévue dans le cadre d’un régime d’aide publique en cas de destruction de haie, notamment au titre de la mise en œuvre des bonnes conditions agricoles et environnementales, à laquelle est subordonné le paiement des aides de la politique agricole commune ; » 

[17] « 9° L’absence d’opposition à une déclaration préalable prévue, en application de l’article L. 421-4 du code de l’urbanisme, pour les travaux portant sur des éléments classés en application de l’article L. 113-1 du même code ou identifiés comme présentant un intérêt en application des articles L. 111-22, L. 151-19 et L. 151-23 dudit code lorsque la décision sur cette déclaration préalable est prise au nom de l’État ou lorsque l’accord de l’autorité compétente a été recueilli ; »